Dans le cadre de l’exposition "Charles, Léontine, Marcel, Rose... des Lillois dans la Grande Guerre", les Archives municipales vous proposent une série de documents du moment autour de la Première Guerre mondiale à Lille. Nous commençons avec le siège de Lille par les troupes allemandes les 11 et 12 octobre et le début de l’occupation au travers des appels au calme du Maire, Charles Delesalle, affichés dans la ville avant l’arrivée des allemands.
Les appels au calme des 3 et 9 octobre
Le 3 octobre 1914 alors que les troupes allemandes approchent de Lille, Charles Delesalle fait coller des affiches appelant la population au calme, leur demandant d’éviter tout rassemblement et de demeurer silencieux[1]. Cet appel sera renouvelé le 9 octobre pour éviter des « représailles sanglantes »[2]. Les élus lillois ont en effet eu écho des incidents qui émaillent l’avancée allemande à travers la Belgique et le nord de la France comme à Liège, Louvain ou Orchies. Ils veulent ainsi éviter à tout prix de fournir le moindre prétexte à une exaction allemande.
A l’arrière du front, les soldats allemands sont pris de la « peur du franc-tireur »[3]. Lors de la guerre de 1870, les armées prussiennes ont dû faire face à des groupes de volontaires sans uniforme, une forme de guérilla. De ce fait, les soldats et officiers allemands voient des francs-tireurs partout et mènent une répression sévère face à la résistance des civils, tantôt réelle tantôt fictive.
Arrivée des allemands. - Appel au calme. 4H3/16 et 4H3/17-1
Lille devient une place stratégique
Jusqu’à la mi-septembre, Lille n’est pas considérée comme une place stratégique et est déclarée « ville ouverte »[1] par les autorités françaises.
Mais après la bataille de la Marne (5-12 septembre 1914), les deux armées cherchent à se déborder mutuellement dans ce qu’on appelle la « course à la mer ».
A compter du 17 septembre, l’Etat-major français établit une ligne de défense entre Douai et Lille dans le but de couvrir l’arrivée de renfort. Dès lors, la ville devient stratégique, par sa position charnière entre les positions françaises et le corps expéditionnaire britannique, qui prépare une offensive dans les Flandres. Début octobre, les combats se rapprochent de Lille.
Situation entre le 11 septembre et le 11 octobre 1915[5].
Face à la pression de l’armée allemande, le commandant de la Xe armée française décide d’abandonner la ville le 9 octobre. Le général Foch, chargé de la coordination avec les Britanniques, annule l’ordre et ordonne le retour des territoriaux du commandant Pardieu à Lille pour permettre l’arrivée en bon ordre des renforts britanniques.
Le siège de Lille
Le commandant Pardieu, parti de Fromelles au matin du 10 octobre, arrive à Lille à 16 h et rencontre une partie des cavaliers allemands arrivés entre temps par la porte d’Ypres. Il dispose de 4 000 hommes et d’une batterie d’artillerie. Les Français barricadent les portes de la Ville et attendent l’assaut allemand. Ces derniers somment la garnison de se rendre sous peine de subir un bombardement le lendemain matin. Le 11, la ville subit plusieurs bombardements à l’obus incendiaire qui ravagent le quartier de la gare et la rue de Béthune.
Le 12 au matin, les Allemands lancent plusieurs assauts sur les portes sud de la ville mais ils sont tenus en respect par les soldats français. Mais les munitions s’épuisent et les tentatives de secours britanniques et françaises ne débouchent pas. A 15h, les Allemands appuyés par de l’artillerie lourde assaillent la porte de Douai. La barricade française est soufflée par une mine, la porte tombe. Après un dernier combat autour de la porte, les Français succombent devant le nombre (1 contre 10).
Les troupes du commandant Pardieu capitulent et les Lillois voient leur ville occupée par les soldats germaniques.
Le témoignage du directeur du Cimetière du Sud sur l’arrivée des Allemands
La crainte d’incidents entre la population et les troupes allemandes n’est pas sans fondement. M. Soudoyez, directeur du Cimetière du Sud, nous livre un témoignage précieux sur l’arrivée des soldats allemands au sud de la Ville. Lors du siège, il se trouve au cimetière et donc au plus près des combats[6].
Lorsque celles-ci arrivent le 12 octobre, elles « mettent au poteau » comme pour une exécution, le concierge, sa femme et l’un des ouvriers du cimetière. Ils reçoivent des menaces de mort pendant deux heures. M. Soudoyez, n’arrivant pas à s’accorder avec un officier allemand au sujet de la sécurité des troupes, est conduit à la porte des Postes manu militari par quarante Allemands sous la mitraille. Il parvient à s’échapper et à revenir au cimetière. Le 13 octobre, 17 victimes civiles du siège sont enterrés, dont Léonard Maenhout « fusillé dans un champ ». Le 15 octobre, M. Soudoyez, après une altercation avec un officier, est contraint de porter une grosse croix en bois devant les troupes allemandes.
Rapport à Monsieur Remy, adjoint au Maire,
sur le travail et les incidents à partir du 4 octobre 1914
à ce jour 25 septembre 1915. 4H255-2
Avec la reddition de la garnison française commence quatre années d’occupation. Les Archives municipales vous proposent de découvrir la vie quotidienne des Lillois au travers de portraits dans son exposition « Charles, Léontine, Marcel, Rose… des Lillois dans la Grande Guerre », visible du 12 septembre au 11 novembre dans l’Hôtel de Ville.
Des nouvelles ressources seront également mises en ligne sur le site internet chaque mardi pendant l’exposition.
Les affiches de la période 1914-1918, une source essentielle
Les affiches de la Première Guerre mondiale, conservées sous la référence 4 H, permettent de documenter les rapports entre les autorités et la population. Celles publiées entre la fin septembre 1914 et le début de l’occupation allemande illustrent l’inquiétude des autorités municipales face à l’arrivée des troupes allemandes puis les mesures imposées à la population par l’administration militaire germanique.
Ces affiches ont été restaurées, numérisées et mise en ligne en octobre 2014. Les Archives municipales ont publié la même année leur guide des sources sur ce conflit. Cet ouvrage recense l’ensemble des documents concernant la Première Guerre mondiale. Il est consultable en ligne en cliquant ici. |
[1] 4H/1
[2] 4H/3/17-1
[3] Combattant qui n’appartient pas à l’armée régulière. Pour approfondir le sujet : J.HORNE et A.KRAMER, 1914. Les atrocités allemandes, la vérité sur les crimes de guerre en France et en Belgique, Editions Tallandier, collection Texto, Paris, 2011.
[4] Une ville est déclarée ouverte pour que tous les belligérants sachent qu’elle ne sera pas défendue et n’est occupée par aucun soldat.
[5] Fond de carte : By Lvcvlvs [CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], from Wikimedia Commons.
Contenu : Archives municipales de Lille.
[6] 4H/255-2