1790 : l'élection du premier Maire de Lille
Le 25 janvier 1790, à l’Hôtel de Ville de Lille, deux mondes se font face : d’un côté, les représentants de l’échevinage, l’administration municipale d’Ancien Régime, et de l’autre, les membres de la nouvelle municipalité qui viennent d’être élus par les représentants d’une partie des citoyens. Louis Vanhoenacker est alors élu Maire de Lille, le premier de l'histoire de la ville.
Au printemps 1789, les Lillois subissent la cherté de la vie et des problèmes de subsistance. Le ravitaillement en grains est difficile et la population craint la disette.
Un désir de réformes profondes s’exprime dans les cahiers de doléances rédigés à l’occasion de la convocation des Etats généraux le 5 mai 1789.
Après l’annonce de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, les troubles se développent dans la ville.
Le 21 juillet 1789, des émeutes éclatent prenant à partie les représentants du roi, certains membres du Magistrat et des négociants jugés accapareurs.
Pour faire face à ces troubles, des citoyens désignent, le 22 juillet 1789, un comité chargé d’organiser les milices bourgeoises.
Les miliciens troquent leurs cocardes blanches pour la nouvelle cocarde tricolore et s’approprient les armes de l’arsenal. Une garde nationale est ainsi constituée.
De même, les 5 régiments en garnison à Lille prêtent serment d’obéir « à la Nation, au roi et à la Loi».
Toutefois, la Grande Peur se répand dans les campagnes alentours et des émeutes se déclenchent en ville du fait des difficultés de ravitaillement. Des brochures entretiennent l’agressivité d’une population impatiente de voir disparaitre rapidement les droits seigneuriaux.
Les inquiétudes du Magistrat lillois
Affaiblis dans leurs capacités d’actions et de plus en plus assaillis par les Lillois, les membres du Magistrat demandent à l’intendant à ne pas être renouvelés. Leur lettre dresse le portrait de la ville à cette période :
« Nous nous empressons de vous prévenir que l’anarchie qui règne en cette ville et l’effervescence qui en est la suite nous font craindre à tous moment qu’on attente à nos jours et à nos fortunes. Plusieurs de nos collègues ont été les victimes de la fureur du peuple et nous sommes menacés d’éprouver le même sort.
L’autorité que le Roi nous a confiée est non seulement méconnue mais annulée : tout acte de l’administration légale et patriotique devient contre nous un motif de ressentiment et de vengeance ; nous avons, nous osons le dire (sans le plus léger reproche) perdu la confiance du public animé d’un esprit de novation, et la perte de cette confiance, sans laquelle il n’est ni considération ni sécurité, nous expose à tous les attentats.
Nous vous supplions, Monseigneur, d’avoir égard à la position malheureuse dans laquelle nous gémissons et de vouloir bien vous occuper de notre remplacement. L’abandon de nos fonctions eut été de notre part une lâcheté, avant que nous fussions relevés du serment que nous avons prêté, mais leur continuation dans ces moments de troubles serait une témérité dangereuse. Tout administrateur suspecté, même sans cause, n’a plus d’autre parti à prendre qu’à solliciter son prompt remplacement […]».
Comme le souligne l’historien Jean-Pierre Hirsch, « Le pouvoir local allait revenir à ceux qui se montreraient les plus aptes à rétablir l’ordre; assurer l’approvisionnement et organiser les milices ». De fait, le Magistrat, que l’intendant refuse de remplacer immédiatement, partage temporairement le pouvoir avec la bourgeoisie libérale qui contrôle la Garde nationale.
Les membres de la bourgeoisie s’étaient déjà faits remarquer lors de la rédaction des cahiers de doléance du Tiers Etat de la ville de Lille, par leur détermination à changer une structure municipale datant de la fin du 12e siècle.
Le 14 décembre 1789, l’Assemblée nationale constituante fait paraître le décret créant les municipalités et organise les premières élections municipales qui ont lieu le 25 janvier 1790.
L'organisation de la première élection en janvier 1790
La commune ainsi créée est administrée par un conseil général, vite appelé conseil municipal. Il est élu pour deux ans et renouvelable par moitié tous les ans.
Le système électoral choisi est censitaire (les électeurs doivent s’acquitter d’une taxe) et indirect (les électeurs élisent d’autres électeurs qui vont, eux, élire la municipalité). Pour être citoyen « actif », il faut avoir au moins 25 ans, résider dans la ville ou le canton depuis au moins une année, être inscrit au rôle de la garde nationale dans la municipalité du domicile, avoir prêté le serment civique et acquitté le paiement d’une contribution directe égale à trois jours de travail. Sont exclus entre autres, les femmes, les insolvables et les domestiques.
A Lille, les citoyens actifs choisissent 5461 électeurs.
Ces électeurs élisent les 17 officiers municipaux et 36 notables constituant la nouvelle municipalité.
Parallèlement, les électeurs élisent un maire pour deux ans qui est rééligible.
Le 25 janvier 1790, à l’Hôtel de Ville, deux mondes se font face :
- D’un côté, les représentants de la municipalité d’Ancien Régime encore en poste (Prévôt, Rewart, Mayeur, échevins, conseillers et Huit-hommes) qui, après avoir constaté le résultat du scrutin, reconnaissent le nouveau maire Louis Vanhoenacker.
- De l’autre, la nouvelle municipalité, les bourgeois négociants de Lille qui évincent les anciens tenants du pouvoir municipal.
"Procès-verbaux d’élections des membres de la Municipalité de la ville de Lille, en exécution des Lettres-patentes du Roi, sur le décret de l’assemblée nationale du 14 décembre 1789.
L’an 1790, le 25 janvier, nous Prévôt, Rewart, Mayeur, Echevin, Conseil et Huit hommes de la ville de Lille, étant assemblés en l’hôtel commun de ladite ville, avons […] procédé successivement à l’ouverture et au recensement général des scrutins des quinze districts de cette dite ville et après en avoir fait le dépouillement, nous avons reconnu que le nombre de tous les citoyens actifs qui ont voté dans les assemblées particulières pour l’élection du Maire était de 1783 et que Monsieur Louis Vanhoenacker, négociant en cette ville a réuni la pluralité absolue des voix pour être élu Maire.
Ce fait, est comparu Monsieur Louis Vanhoenacker lequel a déclaré que pour répondre à la confiance dont ses concitoyens l’avaient honoré, il acceptait la place de Maire à laquelle il avait été nommé et a signé avec nous […]".
Louis Vanhoenacker est un négociant lillois. Il a été président de la Chambre de commerce. Député du Tiers Etat de la ville de Lille, il est élu Maire de Lille en 1790.
En 1791, il est élu comme député du Nord à l'Assemblée nationale législative où il siège parmi les modérés. François André-Bonte le remplace comme Maire. C’est ce dernier qui défendra la ville lors du siège de la ville en 1792.
Suite à la dissolution de l’Assemblée en septembre 1792, Louis Vanhoenacker retourne à Lille où il décède le 22 mars 1794.
Le premier maire de Lille est décrit ainsi dans l’ouvrage Lille d’un millénaire à l’autre : « Louis Vanhoenacker (1734-1794) est le type même du bourgeois négociant de Lille. Si sa probité était incontestable, ses capacités politiques étaient assez limitées. Elu député à l’assemblée législative le 1er septembre 1791, il y siégea fort obscurément » . Philippe MARCHAND (dir) Lille d’un millénaire à l’autre, Fayard 1999.