1937 : l’expertise des biens communaux par le cabinet Galtier, une mine d’informations sur le patrimoine communal
En 1937, la Ville de Lille confie au cabinet Galtier Frères l’expertise des biens communaux : bâtiments, monuments, mobilier et matériel. Le résultat de ce vaste projet, composé de 108 registres, constitue aujourd’hui une précieuse source sur l’histoire de l’ensemble des monuments et bâtiments communaux jusqu’en 1977 : musées, écoles, statues, théâtres, hôtel de ville, églises, etc.
Les photographies et les plans contenus dans ces dossiers sont aujourd’hui consultables en version numérique en salle de lecture. Les photographies et une partie des plans sont également accessibles sur le site internet des Archives.

Le nécessaire besoin de reconstituer les biens disparus dans l'incendie de l'Hôtel de Ville de 1916
Durant la Première Guerre mondiale, en avril 1916, l’Hôtel de Ville situé place Rihour est touché par un vaste incendie. La mobilisation de quelques employés municipaux, de civils et de soldats allemands permet de sauver des flammes de vastes ensembles de documents, comme par exemple l’état civil ou la moitié des ouvrages de la bibliothèque. Mais la grande majorité des archives du XIXe siècle et du début du XXe siècle disparait dans les flammes.
Dès la fin de l’année 1916, la municipalité commence à reconstituer certains ensembles disparus dans l’incendie, nécessaires au bon fonctionnement de ses services. C’est le cas, par exemple, des documents cadastraux.
Expertiser les biens communaux
L’expertise des biens communaux est quant à elle décidée quelques années plus tard, lors de la séance du Conseil municipal du 5 mai 1937.
Cette expertise a notamment pour but :
- « de reconstituer une partie des archives communales détruites pendant la guerre et fournir ainsi les documents susceptibles d’apporter un précieux concours aux différents services municipaux.
- de constituer un dossier d’évaluation détaillée, avec indication de la valeur neuve actuelle et de la valeur d’assurance actuelle, afin de permettre d’assurer les biens communaux à leur juste valeur et d’éviter, en cas de sinistre, des pertes importantes par l’application de la règle proportionnelle […] » ( extrait de la délibération n°1282 du 5 mai 1937).
Après avoir étudié les offres de plusieurs entreprises, c’est le cabinet Galtier qui est retenu pour entreprendre ce vaste chantier.
L'important travail réalisé par les ingénieurs du cabinet Galtier sur les bâtiments, jardins, kiosques et monuments publics lillois
La société s’engage à fournir des dossiers comprenant :
- « - un plan d’ensemble de chaque groupe de bâtiments avec coupes, cotés à l’échelle de un centième
- - la description et l’estimation de chacun des bâtiments
- - l’inventaire estimatif du matériel, du mobilier et des agencements ».
L’estimation des collections, livres, manuscrits et tableaux n’est en revanche pas comprise de cette étude.
Le résultat de cette expertise se présente sous la forme de 108 registres, aujourd’hui conservés sous la référence 6D. La grande majorité des registres date de 1937 et une dizaine a été ajoutée en 1950, 1960, 1963, 1964, 1977 sur de nouveaux bâtiments construits durant cette période.
Cette expertise concerne ainsi les bâtiments communaux construits avant la Première Guerre mondiale et n’ayant pas été détruits, les bâtiments datant de la Reconstruction (années 1920-1930) et les constructions datant des années 1950-1970.
Ce travail d’ampleur, réalisé initialement pour garantir un fonctionnement efficace de l’administration et assurer la collectivité en cas de sinistre, constitue aujourd’hui une source particulièrement riche sur le patrimoine communal.
Vous pourrez par exemple découvrir dans ces registres les descriptions :
- De bâtiments administratifs : Hôtel de Ville, commissariat de police, bureau de l’octroi
- De bâtiments d’enseignements : école, faculté, lycée
- De bâtiments culturels : Palais des Beaux-Arts, Conservatoire, théâtre
- De jardins et de kiosques
- De monuments publics : colonne commémorative du siège de 1792, campanile de la Vieille Bourse, porte de Paris, statue de Pasteur, monument aux morts, etc.
Pour connaitre l’ensemble des bâtiments décrits, vous pouvez consulter l’instrument de recherche de la sous-série 6D dans la rubrique « Rechercher ».
Chaque classeur est composé de 4 rubriques :
- « Récapitulation générale » qui décrit globalement la composition du bâtiment et du mobilier et indique les valeurs neuves et d’assurances
- « Bâtiment » et « Mobilier » qui comprennent des descriptions très détaillées de la composition de chaque pièce, des matériaux utilisés et du matériel et mobilier qui s’y trouvait au moment de l’expertise
- « Plan » qui comprend un ou plusieurs plans d’ensemble de chaque bâtiment.
Les plans ont été numérisés et sont consultables en version numérique en salle de lecture. Une partie est également accessible sur le site internet des Archives. Seuls les dossiers relatifs aux monuments publics contiennent des photographies. Vous pouvez retrouver sur le site l’ensemble de ces 25 photographies.


Outre les plans et photographies, les descriptions contenues dans ces registres permettent de documenter la répartition des espaces dans les différents bâtiments, les usages des différentes pièces, les matériaux employés et le mobilier et matériel présent.
La vaste période chronologique concernée par cette expertise permet également de suivre ces évolutions entre les bâtiments d’avant-guerre, les nouvelles constructions datant des années 1920-1930 et celles des années 1950-1970.
Voici par exemple un extrait de la description d’une des constructions emblématiques de la Reconstruction, l’école de plein air Désiré Verhaeghe, située rue Armand Carrel :
« Infirmerie […]
Cette construction élevée en briques de 0,34 c/ms et 0,45 c/ms est composée d’une partie centrale principale de 7 m 70 de hauteur (du sol jusque sous toiture).
2° D’une entrée de 5 m de hauteur
3° De deux petits pavillons de 4 m 30 de hauteur sous toit
Les parements extérieurs sont en briques repressées Bonzèle jointoyées avec saillies diverses de décoration, chaperons en tuileaux, etc.
Seuils en petit granit
Perron en béton et ciment et soubassement cimenté de 1,00 de hauteur
L’ossature apparente en béton armé est cimentée.
Ce bâtiment comprend : […] »
Pour en savoir plus sur ce bâtiment, vous pouvez consulter le document du moment qui lui est consacré.
Fidèle à la volonté énoncée dans la délibération de 1937, ces documents continuent aujourd’hui « d’apporter un précieux concours aux différents services municipaux ». La Direction de la Maintenance des Bâtiments, la Direction du Patrimoine Culturel ou encore la Direction chargée de maîtrise d'ouvrage et de conduite d’opérations consultent encore régulièrement ces registres lors des phases de préparation des travaux à entreprendre sur des monuments ou bâtiments communaux.
Ces documents, produits il y a 80 ans à des fins administratives et juridiques, présentent à la fois un fort potentiel historique et une importante valeur administrative.