1968 : le point d’orgue de l’histoire du monument au compositeur Edouard Lalo
Il y a 200 ans, le 27 janvier 1823, naissait le compositeur lillois Edouard Lalo. En 1968, le maire de Lille Augustin Laurent inaugurait le second monument en sa mémoire.
Qu’est-il arrivé au premier monument pour qu’il faille en ériger un second ?
Le 14 septembre 1968, au jardin Vauban, en présence de nombreux Lillois et devant un parterre de personnalités, parmi lesquelles le Préfet du Nord, le Recteur de l’académie de Lille, le directeur du Conservatoire de Lille et les professeurs de musique, le maire Augustin Laurent inaugure le second monument à la mémoire du musicien et compositeur lillois Edouard Lalo (voir ci-dessous, "Qui est Edouard Lalo?").
Le monument est composé d’une stèle en granit du Tarn, fixée sur un socle de deux marches. Elle supporte un médaillon en bronze représentant Edouard Lalo, sous lequel un texte en lettres de bronze se détache : « De sa lointaine origine espagnole, le compositeur Edouard Lalo avait hérité du sens des rythmes et des couleurs… Le sol nordique où il prit racine lui fit don d’une sensibilité profonde et d’un génie incomparable ».
Lors du discours inaugural, Augustin Laurent ne se contente pas de revenir sur la carrière du musicien et compositeur, brillant élève de l’Académie Royale de musique (ancêtre du Conservatoire de Lille), parti poursuivre sa formation puis sa carrière à Paris, qui ne vit « poindre l’aube de sa gloire qu’à la fin de sa carrière » à 65 ans, quatre années avant son décès.
Il évoque aussi l’étonnante histoire du premier monument en l’honneur d’Edouard Lalo, inauguré 45 ans plus tôt après bien des rebondissements.
Honorer la mémoire d’Edouard Lalo
Dès 1902, dix ans après la disparition d’Edouard Lalo, un buste-souvenir est installé dans le foyer du Grand Théâtre (actuel Opéra de Lille). Celui-ci est endommagé en 1903 lors de l’incendie du bâtiment. Les admirateurs lillois d’Edouard Lalo, tenant absolument à honorer sa mémoire, se regroupent et fondent, en 1907, un Comité local du Monument Lalo, en vue d’ériger un monument. Le Maire de l’époque, Charles Delesalle, en accepte la présidence d’honneur.
Le 28 février 1908, le conseil municipal approuve la demande du Comité lillois d’ériger un monument en mémoire de Lalo. Il valide son implantation à l’entrée du Jardin Vauban et accorde un crédit de 3 000 francs.
Une souscription lancée pour financer le monument

Les membres du Comité lillois valident dès 1907 le projet de monument présenté par le sculpteur lillois Maurice Quef. Deux ans plus tard, le comité parisien adopte la maquette définitive.
Le projet retenu se compose d’une stèle en granit rose sur lequel est fixé le buste de Lalo. A ses pieds, sont posées trois statues stylisées figurant les héros de l’opéra Le Roi d’Ys, l’œuvre la plus connue du compositeur.
Le maire Charles Delesalle lance une grande souscription publique pour financer le monument. En 1911, le conseil municipal valide l’emplacement précis du monument dans le Jardin Vauban : « L’œuvre du statuaire Quef serait placée à droite de la grande pelouse, adossée à un bouquet d’arbres existant, qui l’encadrerait d’une manière parfaite »
Une installation retardée par la Première Guerre mondiale
Achevé en 1914, le monument est prêt à être installé lorsque la Première Guerre mondiale éclate. Le socle se trouve chez un marbrier lillois tandis que les bronzes restent Paris dans le dépôt de l’emballeur qui venait de préparer leur envoi. Ils y restent pendant toute la durée du conflit, Lille étant occupée par l’armée allemande.
Après la libération de Lille en 1918, la municipalité a pour priorité de reconstruire et d’agrandir la Ville. C’est en 1922 que le maire Gustave Delory demande la reconstitution du Comité du monument Lalo pour faire aboutir ce projet. Le Comité lance de nouvelles souscriptions auprès de la population, dans les cafés notamment. Il organise également des quêtes lors de concerts de musique classiques.
Enfin inauguré !

Enfin, l’inauguration peut avoir lieu. Le 2 juillet 1922, au jardin Vauban, la cérémonie protocolaire est présidée par le Ministre de l’Instruction publique en personne. Elle s’accompagne d’un après-midi musical à l’Hippodrome-Théâtre de la rue Nicolas Leblanc.
Des extraits de l’Opéra Le Roi d’Ys y sont interprétés ainsi que les œuvres majeures d’Edouard Lalo dont la Symphonie espagnole et Namouna. Le soir, un concert populaire est offert aux Lillois dans le jardin Vauban : la seconde partie du concert est exclusivement composée d’extraits d’œuvres d’Edouard Lalo.
De nouvelles péripéties
« Mais 17 années après l’inauguration de cette œuvre, la guerre divise de nouveau l’Europe et Lille, occupée, ne parvient pas à sauver la plupart de ses monuments dont les éléments en bronze furent ravis par l’occupant » (1M2/106) rappelle Augustin Laurent lors du discours inaugural du second monument en l’honneur de Lalo en septembre 1968. Le monument ne fait pas exception.
En 1942, l’autorité allemande démonte le buste de Lalo ainsi que les statues en bronze, qui sont fondues pour réemploi.


Dès la fin de la guerre, de nombreux Lillois et admirateurs du compositeur sollicitent une réparation du monument.
Mais la municipalité fait face à des priorités plus urgentes. C’est finalement au début des années 1960 qu’elle relance le sujet. Lors de sa séance du 9 mars 1962, le conseil municipal décide de supprimer ce qui reste de l’ancien monument et d’en édifier un nouveau. « D’un style démodé, il [le monument] devrait être remplacé par une stèle destinée à recevoir un médaillon à l’effigie de Lalo » (1D2/163).
Cinq années sont encore nécessaires avant que le monument soit réalisé et inauguré le 14 septembre 1968 au jardin Vauban, où il se trouve toujours.
En savoir plus – Qui est Edouard Lalo ?

Né rue des Tours dans le Vieux Lille le 27 janvier 1823, Edouard Lalo est l’aîné d’une fratrie de trois enfants. Son père, Désiré Joseph Lalo, est directeur du Mont de Piété de Lille (ancêtre du Crédit municipal), après avoir été quelques années commissaire de police.
Enfant, Edouard Lalo étudie le solfège et le violon à l’Académie Royale de Musique de Lille. Doué pour la musique, Edouard Lalo décide, contre l’avis de son père, de quitter Lille à l’âge de 16 ans pour se former au Conservatoire de Paris. Remarqué par un de ses enseignants, il joue dans plusieurs orchestres réputés et côtoie des musiciens talentueux.
Il étudie la composition et se lance à son tour. Edouard Lalo ne rencontre pas le succès avant le début des années 1870. Probablement car son inspiration et son style lui sont propres et ne trouvent guère d’écho auprès de ses contemporains. En 1874, il compose la Symphonie espagnole qui lui offre enfin une belle notoriété. En 1882, L’Opéra de Paris lui commande un opéra Namouna. Le ballet reçoit un accueil mitigé. Son œuvre la plus célèbre, qui lui vaut un succès durable, est un opéra, Le Roi d’Ys. Composé en 1878, remanié en 1886, il connait un énorme succès à partir de 1888 lorsqu’il est joué à l’Opéra-Comique.
Il sera joué plus de 160 fois les quatre années suivantes.
Mais Edouard Lalo ne profitera guère de ce succès tardif puisqu’il décède brutalement à Paris le 22 avril 1892. Il est enterré au cimetière du Père Lachaise.