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1999 : une nouvelle façade pour la cathédrale Notre-Dame de la Treille

L’inauguration de la façade de la cathédrale Notre-Dame de la Treille, le 19 décembre 1999, marque l’aboutissement de la construction de la cathédrale Notre-Dame de la Treille, commencée 145 ans plus tôt. Le permis de construire conservé aux Archives municipales (conservé sous la référence 728W3489) donne les clés pour retracer la longue histoire de sa construction et comprendre son étonnante façade.

 « [L’évêque] fait le choix d’une façade contemporaine pour inscrire dans les pierres la manière avec laquelle l’Eglise essaye d’être présente au cœur de la cité. On aime ou on n’aime pas, ça c’est clair qu’elle ne fait pas l’unanimité pour elle cette façade mais elle a vraiment été pensée comme une question posée aux passants et non pas un message s’imposant à tous […] ». 

Voici une définition de la façade qu’essayait de poser l’ancien recteur de la cathédrale, Arnauld Chillon, lors d’un reportage télévisé diffusé sur France 3 en 2017 (à 2 min 10 seconde). 

Dessin de la façade de la cathédrale conservé dans le dossier de permis de construire, constitué par l’agence Pierre Louis Carlier architectes. Archives municipales de Lille – 728W3489

Dessin de la façade de la cathédrale conservé dans le dossier de permis de construire, constitué par l’agence Pierre Louis Carlier architectes. Archives municipales de Lille – 728W3489

Les objectifs du diocèse pour la façade

Afin de pouvoir terminer la cathédrale, dont la première pierre est posée symboliquement en 1854 et dont la façade n’est pas définitive, Monseigneur Vilnet, évêque du diocèse de Lille de 1983 à 1998, décide en 1990 de faire édifier une façade. Il a pour ambition de faire une cathédrale ouverte à tous.

Monseigneur Defois, qui succède à Monseigneur Vilnet de 1998 à 2008, évoque un « symbole d’harmonie et d’ouverture » (La Treille, lumière du Nord, sous la direction de Monseigneur Ulrich, La nuée bleue, 2014) . Afin de réaliser ce projet ambitieux, des artistes de renommée nationale ou internationale sont retenus. Parmis ces artistes, citons Peter Rice, ingénieur irlandais spécialiste des structures en acier, qui a notamment participé à la construction de l’opéra de Sidney et la pyramide inversée du Louvre, Ladislas Kijno, artiste majeur du mouvement de la peinture informelle, dont de nombreuses oeuvres sont visibles dans l'Hôtel de Ville de Lille, ou encore le sculpteur Georges Jeanclos « le monument à Jean Moulin » situé à Paris dans les jardins des Champs Elysées. Une réflexion commune entre le diocèse et les différents artistes est mise en place pour faire sens et donner aux visiteurs une nouvelle clé de lecture de la cathédrale.

Le permis de construire, conservé aux Archives sous la référence 728 W 3489, permet de suivre l’évolution du projet et les différentes propositions. Il présente une description détaillée de chaque élément de la façade, des schémas descriptifs, des plans, des notices, etc. Il doit permettre aux urbanistes de la ville d’évaluer la conformité des travaux envisagés au regard des règles d’urbanisme en vigueur.

Placée devant l’édifice et totalement indépendante du reste du bâti, la façade se compose de trois grands éléments, qui ont chacun une signification, à la fois intérieure et extérieure :

La façade de marbre et le parvis

Pour la nef principale, imaginée et réalisée par l’agence d’architectes lilloise Pierre Louis Carlier et l’ingénieur Peter Rice, il est prévu « une grande ogive en pierre de Soignies et d’un voile de fermeture en marbre translucide » (notice de présentation à l’usage de la commission de sécurité, conservée dans le dossier du permis de construire 728W3489) . Cette arcade principale porte et met en scène la structure. Elle est stabilisée par un réseau de câbles en acier inoxydable à l’extérieur. Le câble principal a la forme d’un poisson. Il s’agit d’un symbole chrétien à double sens : il symbolise le Christ et la vie en abondance promise.

Le « voile » est constitué de 110 plaques de marbre mesurant 1,85 m x 0,94 m et 28 mm d’épaisseur. Le marbre a été choisi pour transformer la lumière et donner à la façade sa couleur orangée. Côté extérieur, il symbolise le voile de Véronique, femme pieuse de Jérusalem qui a donné son voile au Christ afin qu’il puisse essuyer son front. Côté intérieur dela cathédrale, il symbolise le buisson ardent, récit biblique dans lequel est révélé le Dieu éternel à Moise. Ce buisson brûle sans jamais se consumer. 

La rosace

Cet autre élément emblématique, hissé en juillet 1999 à 35 mètres de hauteur, est réalisé par l’artiste peintre français Ladislas Kijno. Il est choisi pour réaliser une rosace « composée d’une structure en acier de 6,50 mètres de diamètre. [Elle répond] au même principe structurel que le voile, c’est-à-dire qu’elle est une petite toile d’araignée dans la grande toile d’araignée qu’est le voile de marbre structurel » (notice de présentation à l’usage de la commission de sécurité, conservée dans le dossier du permis de construire 728W3489).

Cet « œil de lumière » évoque la résurrection du Christ. Une des techniques utilisées pour sa réalisation consiste à insérer dans le vitrail des plaques de verre thermoformées (technique qui permet de réaliser des formes en relief sur le verre). Sur la face extérieure, des formes comme les clés de Saint-Pierre, la statue de Notre-Dame de la Treille, du raisin et même l’Hôtel de Ville de Lille sont représentés. A l’intérieur, l’artiste a dessiné le visage du Christ, les fruits de la vie ou encore l’arbre de Jessé, schématisation de la généalogie de Jésus. Il s’agit d’un motif courant dans l’art chrétien. La lecture de cette rosace passe par les dessins mais aussi par des formes symboliques et la couleur, notamment le jaune omniprésent. En effet, comme le décrit l’écrivain et photographe Gilles Plazzy « Kijno est un peintre observateur et bon dessinateur, mais il ne représente pas le réel en images ». (dossier de presse de l’exposition Ladislas Kijno, rétrospective au Palais des Beaux-Arts de Lille en 2000 - 657W720)

Le portail de bronze et de verre

Le portail est réalisé par Georges Jeanclos et Maya Salvado-Ferrer, qui termine le travail de Georges Jeanclos, selon ses esquisses, suite à son décès en 1997. Il mesure 5 mètres de hauteur et semble être la dernière œuvre de Georges Jeanclos. Il est constitué de vitres translucides dans lesquelles apparaissent des ondulations rappelant les plis des vêtements de la Vierge. De l’extérieur, le verre est complètement opaque et donne l’impression que le portail n’est constitué que de bronze alors qu’à l’intérieur on peut voir la lumière de l’extérieur à travers les ondulations du verre. Les personnages apparaissant sur le portail de bronze rappellent les différentes scènes de la vie de la Vierge. Il faut s’approcher du portail pour découvrir la finesse du travail due à la technique utilisée par Georges Jeanclos, qui transformait la terre en plaques très fines, tapait et aplatissait l’argile à l’extrême afin que ses personnages soient recouverts « d’un tissu de terre ». Le trumeau, pilier qui supporte un portail en son milieu, qui prend la forme d’arbre de vie, est porteur d’une Vierge assise accueillant les visiteurs et les invitant à entrer.

Croquis extrait du dossier de permis de construire proposant les différents éléments de la façade. Archives municipales de Lille – 728W3489

Croquis extrait du dossier de permis de construire proposant les différents éléments de la façade. Archives municipales de Lille – 728W3489

Croquis extrait du dossier de permis de construire proposant les différents éléments  de la façade. Archives municipales de Lille – 728W3489

Croquis extrait du dossier de permis de construire proposant les différents éléments de la façade. Archives municipales de Lille – 728W3489

L’inauguration

L’inauguration de la nouvelle façade a lieu le 19 décembre 1999, date choisie symboliquement avant l’entrée dans un nouveau millénaire. Lillois, non Lillois, représentants de la Ville et de l’Etat, membres du clergé, tous sont venus « redécouvrir » la nouvelle église de l’évêque enfin terminée au son des instruments de l’Orchestre National de Lille.

Lors de son discours, Pierre Mauroy, Maire de Lille de 1973 à 2001, déclare :

« Nous allons pouvoir, désormais inviter nos visiteurs à admirer, au cœur de Lille, la cathédrale des Lillois, de tous les habitants du diocèse qui ont contribué à son achèvement. […] Chacun en entrant ici, y trouvera ce qu’il est venu chercher selon sa croyance, son attente ou son désir de calme et de réflexion personnelle. Il sera ici, dans un lieu de paix, plus intérieurement encore au cœur de la cité mais protégé de la rumeur du monde » (Extrait du discours de Pierre Mauroy prononcé le 19 Décembre 1999 - 2M180).

Une façade attendue de longue date

L’inauguration de la façade en 1999 marque l’aboutissement de la construction de la cathédrale Notre-Dame de la Treille, commencée 145 ans plus tôt. Sa construction a en effet été marquée par différents événements et aléas.

Afin de rendre hommage à la statue de Notre-Dame de la Treille et donner aux Lillois un endroit où se recueillir devant elle, la première pierre de l’édifice est posée symboliquement en 1854. Cela peut paraître surprenant lorsque l’on sait que le concours pour établir les plans définitifs ne sera lancé que plus tard. La construction démarre réellement en 1856. Cet édifice, qui était au départ une chapelle, puis une église, puis une basilique devient cathédrale en 1913 avec la création du diocèse de Lille, dont le premier évêque est Monseigneur Charost (évêque de Lille de 1913 à 1921). Lille dépendait auparavant du diocèse de Cambrai.

Le lieu choisi est emblématique de l’histoire de Lille puisque il s’agit de l’espace où était située la motte castrale, terrain d’origine de la ville de Lille. Le Mayeur de Lille, Jean le Vasseur, dédie la ville à la vierge en 1634 (cité dans Notre-Dame de la Treille, traditions et nouvelles contemporanéité, sous la direction de Yohann Travet, Bayard Service Edition, 2007) et le choix de ce site traduit la volonté d’offrir à Notre-Dame de la Treille, le plus grand et le plus bel écrin. Le style de l’édifice est néogothique et les protagonistes souhaitent utiliser les plus beaux matériaux.

Différents éléments viennent toutefois perturber l’avancée du chantier : la construction de l’université catholique, le manque de moyens financiers, les deux guerres mondiales, les rapports difficiles entre les bâtisseurs et les architectes, etc. Le projet d’origine connait ainsi des modifications. Une façade provisoire, qui se dégrade très vite, est édifiée en 1947. 

C’est pour cette raison que le diocèse relance en 1990 le projet de construction d’une façade définitive. 

La façade est achevée en décembre 1999, marquant ainsi l’aboutissement d’une construction entreprise 145 ans plus tôt. 

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