27 août 1667 : Lille capitule devant Louis XIV
En raison de sa position géographique stratégique, Lille a longtemps été le terrain de combats et de changement de suzeraineté. Au milieu du 16e siècle, la ville est sous gouvernance espagnole. Mais la monarchie espagnole s’essouffle au moment même où Louis XIV, roi de France conquérant, convoite la Flandre en vue d’étendre les frontières de son royaume. En 1667, au cours de la guerre de Dévolution, Lille est assiégée par l’armée française. Après un siège de 16 jours, la cité capitule. L'entrée de Louis XIV, le 28 août 1667, dans Lille marque le retour de la cité dans le giron du royaume de France.
Lille espagnole, convoitée par Louis XIV

Au début de l'année 1667, Lille fait partie des Pays-Bas espagnols, gouvernés par le roi d'Espagne Philippe IV.
Sur le plan administratif, elle relève de Bruxelles par le biais d'un gouverneur général issu de la grande noblesse espagnole.
Au sein même de la cité, la puissance espagnole est quant à elle représentée par le gouverneur de la ville : Philippe Spinola.
Capitale de la châtellenie Lille-Douai-Orchies, Lille constitue une place prépondérante tant au niveau économique que stratégique. La ville est un grand centre de production et de commercialisation du tissu.
L'approche des Français accroit encore un peu plus son rôle stratégique.
Roi conquérant, Louis XIV convoite la Flandre, territoire sous gouvernance espagnole, dans l’espoir de repousser les frontières du royaume et mettre ainsi Paris à distance des autres puissances situées au nord de l'Europe.
Déjà un peu plus tôt, lorsque Louis XIII déclare la guerre à l'Espagne en 1635, la monarchie espagnole est essoufflée. L'Espagne est confrontée à une grave crise économique et démographique. Les guerres de religion et la guerre contre les Provinces-Unies lui ont fait perdre des territoires.
Face aux velléités françaises, l'armée espagnole, exsangue, ne peut aligner que 20 000 soldats pour défendre ses territoires du nord. En 1640, Louis XIII s’empare d’Arras et de l’Artois. En 1645, une tentative de conquête de Lille échoue.
Quelques années plus tard, en 1659, la signature du traité des Pyrénées ramène temporairement la paix en la France et l’Espagne. Louis XIV épouse l'infante Marie-Thérèse, la fille du roi d'Espagne. L'Espagne abandonne une partie de ses territoires en Artois, plaçant Lille en première ligne face aux Français.
L'invasion
Cependant, Louis XIV ne se satisfait pas de cette situation et cherche un prétexte pour conquérir les Pays-Bas espagnols. Son mariage avec l'infante d'Espagne comporte une disposition relative à sa dot que le Roi va utiliser. Pour faire renoncer la Reine à ses droits de succession sur l'Espagne, Philippe IV devait payer 500 000 écus au Roi de France. A la mort du Roi d'Espagne, la somme n'a pas été versée.
Confondant volontairement droit public et droit privé, les juristes français rédigent Le traité des droits de la reine très Chrétienne . Ils utilisent une coutume brabançonne concernant la succession, la dévolution, qui permet de revendiquer pour la reine les territoires espagnols des Pays-Bas.
Le 24 mai 1667, sans déclaration de guerre, 50 000 Français déferlent sur la Flandre. Face à cette armée, le gouverneur espagnol Castel Rodrigo ne dispose que de 20 000 soldats dispersés dans tous les Pays-Bas. Il se replie en abandonnant les places qu'il ne peut défendre: La Bassée, Armentières, Charleroi, Tournai ....
La faible défense espagnole permet même à la cour de rejoindre le Roi sur le champ de bataille.
Suite à la prise de Douai, le maréchal de Turenne se dirige vers Lille.
La préparation du siège
Présageant l'entreprise de Louis XIV, la ville se prépare à soutenir un siège.
Le Magistrat réorganise les compagnies bourgeoises, arme les habitants, approvisionne les magasins de poudre et consolide les défenses. La Ville lève un impôt exceptionnel pour financer la préparation de la défense. Les maisons des faubourgs sont démolies pour découvrir l'ennemi.
Au fur et à mesure de l'avancée française, les Lillois se préparent à l'inévitable attaque.
Le gouverneur Spinola peut compter sur 1 000 fantassins. Le Magistrat mobilise les quatre serments (les compagnies de canonniers, d'archers, d'arbalétriers et de tireurs d'épée) ainsi que 18 compagnies de milices bourgeoises.
Au total, la défense de Lille est assurée par 2 400 hommes et 900 cavaliers.
Le 8 août 1667, une avant garde commandée par le marquis d'Humière se présente devant la Lille. Deux jours plus tard le Roi arrive en personne.
Le siège
Lille est investie le 10 août 1667. Le roi dispose de 35.000 hommes pour prendre la ville.
Il installe d'abord son quartier général à Loos puis rejoint le maréchal de Turenne à Fives.
Durant une semaine, l'ingénieur du Roi, Vauban fait construire les lignes de défense et prépare l'attaque.
Le 18 août, il fait ouvrir une première tranchée entre la porte Saint-Maurice et celle de Fives et une deuxième face au bastion de la noble tour.
Les Lillois sont fermement décidés à résister. Ils hissent sur le clocher de l'église Saint-Etienne un étendard avec la croix de Bourgogne pour montrer que leur cœur n'est pas français. Les ecclésiastiques prêchent la résistance.
L'attaque
Le 21 août 1667, l'artillerie française commence à bombarder la ville et particulièrement la paroisse Saint-Sauveur.
Le 25 août, le marquis d'Humières atteint la première ligne de défense lilloise. Le lendemain, Spinola tente une sortie par la porte des malades. La cavalerie charge à partir de la porte Saint-Maurice. L'attaque lilloise est repoussée par les armée françaises.
Dans la nuit suivante, les mousquetaires du roi emportent les demi-lunes protégeant la porte de Fives. La situation devient critique pour les Lillois, d'autant que le gouverneur vient de recevoir la confirmation qu'il ne pourra être secouru par les renforts espérés.
La capitulation
Le 27 août, les échevins délibèrent et le rewart informe Spinola que toute défense est devenue impossible. Celui-ci s'incline. Il demande à son aide de camps d'accompagner le rewart pour parlementer avec le Roi.
Louis XIV est installé dans une ferme située sur le chemin de Lannoy à Fives.
Il reçoit les parlementaires qui après avoir demandé en vain trois jours de répit, commencent à négocier une capitulation honorable.
Les 69 articles du texte proposé par les Lillois sont un à un accordés avec d'infimes restrictions par le souverain.
Les conditions militaires prévoient la sortie de la Ville du gouverneur Spinola et de ses troupes avec les honneurs de la guerre.
Concernant la population "toutes les offenses et actes d'hostilité commis devant et durant le siège seront entièrement pardonnés".
Comme ce fut généralement le cas lors des précédentes redditions de la ville depuis le XIIIe siècle, tous les privilèges locaux sont respectés.
L'Edit de Nantes ne sera pas appliqué pour ne pas froisser la susceptibilité des Lillois, restés très catholiques et hostiles au protestantisme.
Après la capitulation, le pouvoir change de mains.
Commence alors une longue période d'intégration de Lille dans le royaume de France, qui s’étend bien au-delà du rattachement juridique de Lille au royaume de France par le traité d'Aix-La-Chapelle en mai 1668.