1935 : un grand nom de l'architecture à la tête de l'Ecole des Beaux-Arts de Lille
De 1935 à 1939, l’architecte Robert Mallet-Stevens dirige l’Ecole des Beaux-Arts de Lille. Il en modernise les enseignements, tentant d’y introduire les notions essentielles qui le guident depuis le début de sa carrière.
Aujourd’hui, le nom de Robert Mallet-Stevens (1886-1945) est relativement peu connu du grand public (pour en savoir plus : Fondation des Amis de Mallet-Stevens). L’architecte, designer, scénographe est une figure essentielle de l’architecture des années 1920.
C’est à la fin d’une carrière très riche, débutée à l’aube du 20e siècle, qu’il est nommé en 1935 à la tête de l’école des Beaux-Arts de Lille suite au départ en retraite d’Emile Gavelle. Sa nomination est due entre autre à l’appui de Gabriel Pagnerre, architecte, dont les réalisations sont marquées par une recherche de modernité constante.
Transmettre ses convictions aux jeunes générations
Ce poste est pour lui une opportunité : il espère ainsi transmettre aux nouvelles générations les principes architecturaux et artistiques qui le guident depuis le début de sa carrière :
« […] je sais que je vais trouver une jeunesse ardente au travail et qui a grandi dans un milieu où les arts sont tenus en grand honneur » (Echo du Nord du 23 Octobre 1935 7K1/157).
Robert Mallet-Stevens applique et défend en effet deux notions essentielles pour lui et d’autres confrères du moment : l’hygiénisme et le modernisme.
Né au 19e siècle, l’hygiénisme en architecture est un courant visant la recherche de solutions architecturales à partir des connaissances acquises dans le domaine de la santé. L’objectif est d’améliorer les conditions de vie, d’éradiquer les épidémies et de favoriser l’épanouissement de l’individu. Différentes applications sont mises en œuvre telles que la construction d’immeubles laissant passer la lumière.
Le modernisme architectural est un mouvement d’avant-garde international qui se caractérise notamment par un retour au décor minimal avec des lignes géométriques pures, l’utilisation du fer, de l’acier, du béton ou encore du verre.
C’est dans cet état d’esprit que Robert Mallet-Stevens co-fonde en 1929 l’Union des Artistes Modernes avec d’autres artistes. Il s’émancipe des notions décoratives pour se concentrer sur la fonction et la structure de l’objet ainsi que sur l’exploitation des nouveaux matériaux (notamment le béton armé) afin de les adapter à une vision moderne. Les fers de lance du mouvement sont entre autres Jean Prouvé, Eileen Gray ou encore Charles Edouard Jeanneret Gris dit « Le Corbusier ».
Développer une formation conciliant architecture et arts appliqués

Dès son arrivée à la tête de l’Ecole des Beaux-Arts de Lille, Robert Mallet-Stevens s’implique autour de la refonte des enseignements de l’école. Comme il l’exprime en 1935 dans la Note concernant quelques modifications à apporter à l’enseignement de l’Ecole conservée dans le fonds de l’Ecole des Beaux-Arts de Lille : « Une Ecole pour progresser doit être vivante. Elle doit être « jeune », aller de l’avant en s’appuyant sur un passé solide. »
Son objectif est d’offrir un enseignement différent, imprégné de ses convictions, de son expérience et de son enthousiasme.
Dans son programme, Robert Mallet-Stevens s’attache à proposer aux étudiants des enseignements de grande qualité, tant dans le choix des matières dispensées que dans celui des enseignants.
S’il souligne l’importance de respecter les courants et les pratiques classiques, il insiste sur la nécessité de les confronter aux nouveaux procédés industriels de construction contemporaine. Ainsi, les étudiants-architectes recevront ils obligatoirement des cours de perspective et d’histoire de l’art ainsi que des enseignements nouveaux autour du béton armé et de l’acier.
Au-delà des enseignements théoriques, il encourage donc une formation pratique, prévoyant l’organisation de séances d’enseignement sur les chantiers qui foisonnent à cette période de Première reconstruction dans le Nord de la France, fortement dévasté par les bombardements et les batailles de la Première Guerre mondiale.
Il fait également appel à des professionnels de renom de l’architecture et du bâtiment : Eugène Freyssinet, l’inventeur du béton précontraint, les architectes et urbanistes Le Corbusier et Georges Henri Pingusson.
Soucieux d'offrir un enseignement pluridisciplinaire de grande qualité, il fait également appel à des enseignants de renommée internationale tel l'historien de l'art Henri Focillon, le muséologue Georges-Henri Rivière, fondateur du musée national des arts et traditions populaires à Paris.
Un projet stoppé par la Guerre
Implantée en plein cœur d’une région industrielle de pointe, l’Ecole des Beaux-Arts doit pouvoir relever le défi d’un enseignement résolument moderne, offrant une formation conciliant l’architecture et les arts appliqués. Les effets bénéfiques des nouvelles orientations se font d’ailleurs très vite ressentir. Mr Laprade (inspecteur général de l’enseignement artistique) déclare dans son rapport de 1936 : « Cette école est en période de réorganisation et ne se présente pas dans sa physionomie définitive. Elle était jusqu’alors presqu’exclusivement orientée vers la formation des Prix de Rome…le nouveau directeur qui semble désireux de faire de cette école un organisme vraiment moderne […]» (Archives municipales, dossier 1R1/100).
Cependant, en 1939, avant d’avoir pu développer son programme et moderniser durablement l’Ecole des Beaux-Arts, Robert Mallet-Stevens démissionne de son poste. Dans sa lettre de démission conservée aux Archives municipales de Lille, il explique «[…]qu’il est de mon devoir de ne plus diriger un enseignement ne correspondant pas à ce qu’il devrait être, selon moi. Ceci bien entendu s’applique à toutes les écoles du pays… » (7K/157)
Après son départ, l’école des Beaux-Arts est placée sous la direction par intérim d’un professeur de l’établissement. En 1941, un jury composé de personnalités décide de procéder à la désignation d’un nouveau directeur. Le choix se porte sur Pierre Desrumaux (ancien professeur de l’école depuis 1936, ancien élève de la Case Velasquez, …) qui, jusqu’à son départ en 1967, imposera à l’institution sa vision traditionnelle de l’enseignement artistique.
Consulter, ci-dessous, l'intégralité du programme de modernisation de l'Ecole des Beaux-Arts rédigé par Robert Mallet-Stevens en 1935 (1R1/43)